| Au fond des cales des bateaux de traite, aux bruits des tambours, des 
        fracas des fusils et des canons, à la vue de la croix du Christ 
        et du goupillon, les esclaves eurent encore plus peur. Ils n'avaient jamais 
        entendu de si près le Dieu du fer, du feu, et de la guerre.
 
 
         
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          | Peinture murale de GOU photographiée 
            dans un temple à Glidji, au Togo. Le dieu à un museau de chien, rappelant 
            que le chien est son compagnon fétiche. Un troisième oeil au millieu 
            de son front et dans la paume de sa main peut laisser comprendre qu'il 
            est maçon. |           
        A Cuba, au Brésil, au Nigéria, son nom est OGOUN. En Haïti, 
        il s'appelle HOGOU FERRAILLE, ou tout simplement GOU, comme au Togo, où 
        il est le dieu des forgerons. Son fétiche est un amas de fer. Dieu 
        de l'humanité naissante, il est de l'âge du fer, depuis, 
        il ne nous a jamais quitté. Les Haïtiens l'ont toujours lié 
        au monde des ouvriers, mais il est aussi devenu le dieu des guerriers, 
        de la libération armée contre les Français, et pourquoi 
        pas des révolutionnaires, même si le mot n'existe pas en 
        Haïti. Il est le dieu des hommes qui touchent le fer : les ouvriers, 
        les paysans avec leurs charrues, mais aussi les chasseurs, et les militaires, 
        dont l'archétype est si différent de celui des commer- çants, 
        des gestionnaires, et des intellectuels. Wole Soyinka, 
        Nigérian, prix Nobel de littérature 1986, poête d'Ogoun, 
        nous dit (1): "Ogoun, le dieu du fer, de la guerre, 
        de la culture lyrique, nous l'avons accepté tout de suite comme 
        le dieu de la technologie. Aujourd'hui, c'est Ogoun qui inspire la vie, 
        la philosophie, l'attitude sociale de ceux qui travaillent dans les domaines 
        de l'industrie et des transports." (2) Ses couleurs sont le rouge et le bleu roi du drapeau haïtien. Il 
        est riche et généreux, mais, prisonnier d'une malédiction, 
        il est entraîné dans des guerres plus ou moins bonnes, lointaines, 
        ruineuses, et sans fin.
 Wole Soyinka raconte qu'au cours d'une beuverie, il confondit ses amis 
        avec ses ennemis et les tua tous. Quand il reprit ses esprits, par défi, 
        il s'exila dans la forêt où le rouge de sa colère 
        l'emporta sur la noblesse de son sang bleu. Depuis il est affamé, 
        seul avec ses chiens. Au Nigéria, son fétiche est la sculpture 
        en bois d'un chien.
 Instruits dans l'église catholique, les Haïtiens identifièrent 
        Hogou à SAINT JACQUES LE MAJEUR DE COMPOSTELLE, parce qu'il réunit 
        les deux aspects du dieu : le métalurgiste et le guerrier.
 En France, nous avons complètement oublié la vocation guerrière 
        de Saint Jacques de Compostelle. Les vaudouisants le connaissent mieux 
        que nous.
 Saint Jacques Le Majeur s'appelle en castillan Santiago, il est le Saint 
        Patron d'Espagne. Il a été vu pour la première fois 
        sur son cheval blanc à la bataille de Clavijo en 844. Il est le 
        saint de la "Reconquista", le saint guerrier des rois catholiques: 
        "EL MATA MOROS" (le massacreur de Maures).
 Daniels-Rops, Sur le chemin de Compostelle, écrit: (3)
 "En 844, un de ces roitelets héroïques qui menaient vie 
        si dure aux émirs musulmans, don Ramire, livrait une grande bataille 
        à l'ennemi. C'était à Clavijo.
 Comme il lançait ses hommes dans le suprème assaut, un guerrier 
        prodigieux parut au front des troupes, (monté sur un cheval blanc, 
        équipé d'armes entreluisantes, portant un étendart 
        blanc frappé d'une croix rouge).
 Tout le temps que dura le combat, il tailla l'ennemi à grands coups, 
        tant et tant que le Maure s'enfuit, épouvanté. Saint Jacques, 
        le fils du tonnerre! Tous les chrétiens l'avaient reconnu.
 Quand l'heure fut venue de partager le butin, il lui fut concédé 
        la part du chevalier. Désormais, il fut entendu que Sant'Iago était 
        le patron des luttes de la Chrétienté contre l'Islam en 
        terre hispanique. Il fut surnommé le Matamore, le massacreur de 
        Maures, le premier des combattants de la croisade, le Baron chrétien, 
        (Il Barone), comme dit Dante qui, au chant XXV du Paradis, lui fera commenter 
        la vertu d'espérance, car ce fut vraiment une grande oeuvre d'espérance 
        que la Reconquista."
 
  Un ordre militaire de Santiago est fondé en 1170: Devenu un croisé, 
        il s'appelera le "Mataturc". En Hongrie, il est Jakuba (St. 
        Jacques Le Grand). Le saint des pèlerins est un soldat; aujourd'hui, 
        en Espagne, on dit encore de lui: "Plus il coupe de têtes de 
        musulmans, et plus il est saint!"
 S'il a aidé les Espagnols à chasser les Arabes, il a aussi 
        participé à la conquête de l'Amérique, une 
        bien moins bonne guerre ! Son nom, Santiago, jalonne les victoires remportées 
        sur les indiens: c'est Santiago de Cuba, Santiago de Los Caballeros à 
        Saint Domingue, Santiago de Veraguas à Panama, Santiago del Estéro 
        en Argentine, Santiago del Extremo au Chili. Il en a tant fait, il est 
        tellement responsable des désastres de la colonisation que les 
        Latino-Américains ne portent jamais son nom. Sauf à Santiago 
        de Chuco dans la sierra péruvienne, où les enfants nés 
        neuf mois après les bacchanales particulièrement réussies 
        de sa fête reçoivent son nom parce que leurs mères 
        ne savent pas à qui attribuer la paternité de leurs naissances. 
        Etrangement, cette anecdote rappelle la personnalité 
        du flambeur Ogoun, grand coureur de jupons et soudard de caserne qui tient 
        des propos de salle de garde quand il chevauche un participant dans une 
        cérémonie vaudou. (4)
 On ne peut pas passer en Haïti sans découvrir l'importance 
        de Saint Jacques. Son nom est écrit en grandes lettres sur les 
        fronts des camions rouges parce qu'il est le dieu du fer, l'âme 
        des mécaniques. Il est peint en habit bleu sur les portières 
        des pick ups des transports publics (les taptaps), montant un cheval blanc 
        l'épée à la main et le regard tourné vers 
        le ciel. Deux lions l'accompagnent sur les ailes de la voiture.
  
 Pour 
        le représenter, les Haïtiens adoptèrent un chromo colombien 
        de Saint Jacques à la Guerre, parce que derrière lui apparaît 
        le fétiche d'Hogou Ferraille sous l'aspect d'un chevalier caché 
        par une armure impressionnante, symbole d'un certain art technologique 
        au service de la violence. Il est déconcertant qu'un saint se compromette 
        en cette compagnie, mais comme le drapeau bleu des Nations Unies est une 
        victoire diplomatique sur les tanks et les canons. L'apparition lumineuse 
        du Saint en surim-pression, au devant du chevalier de fer, est la victoire 
        d'une révélation métaphysique : Saint Jacques apparaît 
        étrangement tout petit! Sur l'image, il est de la taille des petits 
        indiens d'Amérique du Sud, une tête d'adulte avec un corps 
        d'enfant. Ses pieds sont nus et minuscules, il est habillé de bleu 
        clair, blond, fluet, santon aux yeux bleus, chevauchant un magnifique 
        cheval blanc qui foule de ses sabots les Musulmans au sol. Nous verrons 
        comment la petitesse de son personnage se révèlera importante.
 Saint Jacques est un saint complexe. Il est aimé des plus pauvres 
        de la Francophonie, alors qu'il est du côté de l'armée 
        en armure du monde occidental contre ce qui est aujourd'hui le Tiers Monde. 
        Il est de toutes les guerres et il ressemble à ce héros 
        des bandes dessinées pour enfants: Blueberry, non seulement par 
        le nom, mais à cause des circonstances fratricides de cette guerre 
        de sécession des Etats-Unis, où Blueberry est égaré 
        entre les deux camps pour être finalement accusé de désertion 
        parce qu'il porte l'habit ennemi.
 Heureusement plus personne aujourd'hui ne fait la guerre avec l'aide de 
        Saint Jacques. Il n'est plus le saint guerrier de jadis. Franco ne l'a 
        pas utilisé durant la guerre civile, il n'est pas non plus du côté 
        des Maronites libanais contre les Musulmans syriens.
 En août 89, quand la guerre du Liban faisait rage, il y avait à 
        Saint Jacques de Compostelle un rassemblement mondial des jeunesses chrétiennes. 
        La représentation libanaise fut la plus remarquée. Les pèlerins 
        prièrent pour la réconciliation des Libanais de toutes confessions, 
        et évidemment pas, pour la victoire du christianisme sur l'Islam. 
        Personne ne voulut se souvenir du funeste Mata Moro, pourtant la tentation 
        aurait pu être grande. Derrière le Pape célébrant 
        l'office, la statue du Saint se faisait toute petite sur un fond de toile 
        mauve. Pour la circonstance, on l'oublia complètement. Les temps 
        ont changé pour le Saint Ferraille, il ne peut que sonner l'armistice 
        aux Nations Unies. Dans le second chapitre, nous attendrons du Saint Pèlerin 
        un pas de plus, il devra défendre Marianne, et épouser la 
        Terre Mère.
 Il n'en reste pas moins que les Haïtiens font toujours référence 
        à Saint Jacques, quand ils pensent à HOGOU. Ils l'ont aussi 
        choisi pour représenter les ouvriers, alors qu'officiellement les 
        saints patrons sont: Saint Eloi et Saint Joseph. Nous allons apprécier 
        combien le choix de Saint Jacques est remarquable, merveilleux, et encore 
        d'actualité pour représenter l'archétype des manuels.
 Saint Jacques de Compostelle est connu des Français 
        pour son pèlerinage. La légende raconte que bien avant la 
        chrétienté, Compostelle, "Champ de l'Etoile" était 
        un lieu d'initiation aux travaux de la pierre et du fer (5). 
        Certains croient qu'un Atlante venu de la mer, s'orientant avec les astres, 
        est à l'origine de ce site. Le christianisme récupèra 
        ce lieu païen et conta l'histoire extravagante d'une barque transportant 
        la dépouille mortelle de Saint Jacques dérivant sans marin, 
        ni gouvernail. Elle serait venue s'échouer dans la crique "Iria 
        Flavia" près de Compostelle en Galice, juste à côté 
        d'une autre crique appelée "Iria Noya" (crique de Noé), 
        là où d'autres supposent que l'Atlante serait arrivé. 
        Mais Noé, n'est-il pas comparable à un Atlante?
 Au IX° siècle, des hommes de toute l'Europe entreprirent le 
        pèlerinage à Compostelle. A leur retour ils constituèrent 
        des associations qui donnèrent un renouveau au compagnonnage des 
        bâtisseurs de cathédrales. Grâce au rayonnement des 
        abbayes de Cluny, Citeaux, Clairvaux, le chemin de Compostelle fut une 
        école d'initiation. Pour plusieurs fraternités allemandes, 
        Saint Jacques Le Majeur devint leur Maître. Cette reconnaissance 
        est loin d'être unanime. Mais étrangement, les Compagnons 
        du Devoir, ou Compagnons Passants Dévoirants, se disent "enfants 
        de Maître Jacques". Selon leur légende, Maître 
        Jacques serait Maître Hiram, ou son contemporain! L'égyptologue 
        Christian Jack, dans son roman: "Maître Hiram et le Roi Salomon" 
        raconte la construction du Temple de Jérusalem par un maître 
        d'oeuvre égyptien entouré de sa propre société 
        secrète de compagnons. Israël n'avait personne pour réaliser 
        son temple. Salomon demanda de l'aide à son voisin, le Roi de Tyr, 
        Hiram 1°. Le Roi phénicien lui envoya un grand architecte des 
        temples de Karnak, nommé "Horemheb", il l'introduisit 
        auprès de Salomon sous le pseudonyme de Maître Hiram, pour 
        cacher son identité égyptienne aux Israëliens. Le secret 
        initiatique, la réussite de la confrérie représenta 
        vite un contre pouvoir en Israël, qui inquièta les religieux 
        juifs. Après avoir triomphé de plusieurs guet-apens, Maître 
        Hiram fut lâchement assassiné par trois de ses compagnons 
        qui voulaient lui voler le secret de la maîtrise. Les Compagnons 
        du Devoir auraient pu adopter Maître Hiram comme fondateur, mais 
        ils ont préféré ce mystérieux Jacques qu'ils 
        imaginent assassiné et enterré à la Sainte Baume 
        en Provence, dans des conditions rappelant la passion du Christ. Une 
        deuxième légende affirme que Maître Jacques est Jacques 
        de Moler, bâtisseur des tours de la cathédrale d'Orléans, 
        ou Jacques de Molay, le dernier Grand Maître de l'Ordre des Templiers, 
        brûlé sur le bûcher en 1314, par Philippe le Bel. (6)
 Il y a une confusion intéressante d'époques et de lieux 
        entre tous ces Jacques, quelque soit le Maître de ces compagnons 
        du Devoir, il s'appelle Jacques, et il est assassiné, comme Saint 
        Jacques Le Majeur, martyr en 44 à Jérusalem, comme le Christ, 
        dont il imite le calvaire. Nous reviendrons dans un prochain chapitre 
        sur le meurtre du Maître. Pour le moment, il nous apparaît 
        que le simple nom de "Jacques" appartienne au secret de la tradition 
        compagnonnique, tout chargé de forces méconnues, que nous 
        percevons avec la découverte de HOGOU FERRAILLE. Les deux confreries 
        du Devoir se surnomment Chiens, Dévorants, et Loups-Garous, (parce 
        qu'ils ont surnommé les enfants de Salomon de Loups). Le chien 
        est le fétiche de Ogoun, et son compagnon dans l'exil. L'indien, 
        ou le loup du Devoir de liberté est par sa "sauvagerie" 
        encore plus proche de l'archétype de Gou.
 Si 
        parfois nous entendons dire que les compagnons ne sont plus ce qu'ils 
        étaient, ils n'en restent pas moins les dépositaires de 
        très vieilles traditions, leur conférant beaucoup de noblesse. 
        Leur amour de l'ouvrage bien fait, leur règle interne, leur éthique 
        du devoir a donné naissance à un ordre ouvrier, dont le 
        rituel est le travail manuel sur la matière. Tout ce qui ne se 
        façonne pas avec les mains n'est pas de leur ressort. Par exemple, 
        les compa-gnons n'ont pas voulu développer en leur sein les technologies 
        nouvelles de l'électricité, et encore moins de l'électronique, 
        qu'ils ne peuvent pas travailler avec leurs mains. Ce trait de caractère 
        souligne remarquablement leur appartenance à l'âme de Gou. 
        Ils disent travailler au "Très-Saint-Devoir-de-Dieu", 
        plus précisément, ne serait-ce pas le "Très-Saint-Devoir-de-Hogou"?
 Aujourd'hui, 
        la révolution industrielle des automatismes leur pose un grave 
        problème d'avenir, et explique en partie leur difficulté 
        de recrutement, auquel s'ajoute la concurrence des lycées professionnels. 
        Les compagnons, mal payés, exploités, ou marginalisés, 
        s'étiolent dans cette vaste industrie, où ils ne se reconnaissent 
        plus. Ils ont besoin d'un renouveau, tout en conservant leur vocation 
        première du travail des matériaux. "Magie Bleue" 
        leur propose une nouvelle forme de compagnonnage vers le Tiers Monde. 
        Maître Hiram disait construire le Temple de vie. La vie n'exigeait 
        pas qu'il soit fait de pierre et de fer, il aurait pu être de verdure, 
        mais ce n'était pas le moment. Les religieux israëlites voulaient 
        un temple plus beau que ceux d'Egypte pour le Dieu unique et universel.
 Les élèves des lycées professionnelles et techniques 
        d'aujourd'hui, même s'ils ne sont que de pâles compagnons, 
        sédentarisés, et sans culte, ils sont quand même de 
        HOGOU. Ils se distinguent de l'enseignement classique par le travail du 
        fer, par beaucoup d'heures de cours, par certaines traditions qui montrent 
        la permanence d'un esprit d'initiation. Les Ecoles Nationales 
        Professionnelles et des Arts et Métiers forment des officiers (7) 
        pour l'industrie portant casquette, et costume bleu marine avec un liseré 
        rouge sur la couture du pantalon. Leur initiation s'appelle un usinage! 
        C'est un bizutage éprouvant qui a le mérite de souder la 
        nouvelle promotion, et qui se terminera par la remise d'un cordon blanc 
        tressé, "la Fignolante". Cet "usinage", 
        terme technique du travail du fer, est pour le moins fignolé dans 
        le goût de la sainte tradition millénaire des compagnons, 
        des maçons (8), et de Hogou Ferraille.
 L'école technique a aussi ses problèmes, 
        comme les confré-ries des compagnons. Nos politiciens l'accusent 
        de coûter cher, de déperdition (9), de ne 
        plus répondre à l'espoir gouvernemental contre l'échec 
        scolaire et l'élitisme de l'école classique. De son côté 
        le corps des professeurs veut bien être mis sur la sellette pour 
        retrouver une image de marque perdue. Personne n'ose accuser les écoliers 
        modestes d'être dans leur majorité incapables d'assimiler 
        les nouveaux programmes technologiques, plus sophis-tiqués, plus 
        étendus, et plus abstraits que jamais. Les décideurs occultent 
        le problème en s'accusant mutuellement. Car si en plus des nuisances 
        de l'industrie, ils reconnaissent l'inaptitude d'une partie importante 
        de la jeunesse aux nouvelles études et au monde moderne, il n'y 
        a plus qu'un pas à faire, que beaucoup de futurologues ont déjà 
        franchi, pour dire, que notre société indus-trielle n'est 
        plus adaptée à l'homme.
 Mais raisonnablement, ce n'est pas un motif pour remettre en cause notre 
        société. Elle n'est pas non plus si déshumanisée, 
        le plus grand nombre trouve encore sa place en son sein avec plus ou moins 
        de bonheur. Comme à l'époque de Salomon, les temps ne sont 
        pas encore venus de réaliser un Temple de verdure!
 Seul le Maître peut changer le cours de l'oeuvre humaine. Hogou 
        Ferraille lié par son art au monde des ouvriers comprend mieux 
        que quiconque l'inflexion a donner à la révolution industri-elle. 
        Il doit, par l'intercession d'un nouveau maître, révéler 
        sa volonté dans le monde athée et matérialiste dont 
        il est à l'origine.
 La révolution ouvrière a occulté les saints. Heureusement 
        les révolutionnaires ont inventé des symboles, Saint Jacques 
        a une sacrée chance, "un saint bol", la plus grande fête 
        des travailleurs est le jour du 1° mai, et par hasard, pour les catholiques 
        d'après guerre, c'est la fête de SAINT PHILIPPE et de SAINT 
        JACQUES LE MINEUR! (Comme à Jacmel en Haïti, où ils 
        sont les saints patrons de la ville, chevauchant deux montures blanches!) 
        (10)
 C'est un jour chômé en témoignage d'une victoire rouge 
        sur l'impérialisme des forces capitalistes, c'est un jour de récréation, 
        de rassemblement de blue-jeans délavés et de chemises bleu 
        clair, c'est Jacques O.S. qui manifeste sa joie de devenir un jour Jacques 
        le Majeur, riche et généreux.
 Jacques le Mineur a pour couleur le bleu du ciel, il est le plus petit, 
        l'epsilon ou le iota d'Espagne (la Jota), il a tous les défauts 
        des Jacques, il dort le matin, il est instable et crâneur, c'est 
        un rescapé du travail, il a peur de la bagarre, il peut perdre 
        la tête pour une femme, il a "les blues", il croit aux 
        promesses, et c'est un bleu dans la vie.
 De tous temps, le nom de Jacques a été révolutionnaire, 
        de Jacquou le Croquant aux Jacques du 1° mai; il y a un même 
        esprit de jacquerie, prompt à utiliser les outils pour se révolter. 
        A l'insu des athées, les camarades de l'internationale ouvrière 
        auraient un saint. Il est du paradis perdu des Haitïens: LA GUINEE. 
        Il purge une malédiction en exil. De majeur il est devenu mineur, 
        ses couleurs: le rouge et le bleu roi, se sont réfugiées 
        dans le bleu du ciel, il n'est pas ce qu'il devrait être, riche 
        et généreux. Aujourd'hui encore, s'il est au coeur de la 
        lutte des classes et de la dictature du prolétariat, nous découvrons 
        dans l'expérience des pays socialistes la permanence du malheur 
        de cette fatidique lutte, où il est tout à la fois le prétexte 
        et la victime.
 On dirait que l'église a flairé le danger, depuis quelques 
        années, elle ne fête plus Saint Jacques le jour du 1er mai, 
        mais Saint Joseph. Celui-ci est un ouvrier résigné, il ne 
        représente pas le caractère contestataire de ce jour de 
        grève ouvrière. Mais si effectivement c'est le jour de la 
        fête du Saint révolutionnaire, Saint Joseph est le plus indiqué 
        pour le remplacer en son absence. (11)
 Le jour de la grève, les ouvriers en bleu de travail constellés 
        de limaille de la couleur foncée du Saint Ferraille sont des guerriers 
        isolés, poètes "mal armés" aussi égarés 
        que Jacques Le Mineur. Mais demain, s'ils construisent des cathédrales 
        de verdure dans le Tiers Monde, ils chevaucheront les chevaux blancs de 
        l'armée du Saint des casques bleus. Ils seront: chevaliers de la 
        légion d'honneur du Genie des compagnons du SAINT BLEU. Depuis 
        les guerres mauresques, Saint Jacques Le Majeur à une mission mythique, 
        rejoindre son frère, Prêtre Jean au coeur de l'Ethiopie. 
        Une des trois maisons de Jacques est chez Jean. Mieux que Cadet Roussel, 
        Jacques est riche et généreux, il arrive avec la légion 
        de ses soldats techniciens qui au bord du désert seront, grâce 
        aux ouvriers africains, les promoteurs de bois sacrés, de paradis. 
        Voilà de quoi négocier aux Nations Unies les moyens financiers 
        d'un corps de compagnons sous le drapeau bleu du Saint, pour les "Jacques 
        Mineurs", anges bleus, qui veulent faire de la dynamique blanche 
        après avoir fait leur voyage photographique aux pays des misères 
        du peuple de Saint Jean.
 haute de page  | Retours Tête de Chapitre 
 (1) Interview recueilli par Michel Losé Ewane et 
        publié dans le Sidwaya de Ouagadougou du mercredi 1O décembre 
        1986.
 R
 (2) Ogoun est d'hier et d'aujourd'hui. L'animisme se régénère 
        sans difficulté dans le monde moderne sous d'autres formes, toutes 
        aussi riches que celles du passé, il faut savoir seulement les 
        reconnaître.
 30 Magie Bleue
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  (3) Extrait de la revue catholique "DIEU EST AMOUR", 
        N° 45.Le Saint Bleu égaré 31
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 (4) Ogoun a une authentique personnalité d'ouvriers 
        et de soldats, il est leur archétype à la limite de la caricature. 
        C'est le génie d'Ogoun qui inspire les gestes de bravoure et les 
        artistes. Mais c'est aussi lui, qui est content de coller des photos de 
        femmes nues d'un goût douteux sur les murs des ateliers et des garages. 
        La vulgarité d'Ogoun a ses raisons, ne pouvant plus être 
        riche et généreux, il fréquente les bas fonds de 
        l'underground de ce monde pour faire la fête et l'amour.
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  (5) Clef: "Le Mystère des Jacques", 
        de Charpentier Louis dans la collection: "J'ai lu". L'aventure 
        Mystérieuse.36 Magie Bleue
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  (6) Les trois fondateurs du compagnonnage sont: le Roi 
        Salomon, Maître Jacques, et le Père Soubise. Les Compagnons 
        du Devoir de Liberté, surnommés Gavots, Etrangers et Loups 
        se disent "enfants de Salomon", ils sont tolérants, ouverts 
        aux protestants, et aux idées révolutionnaires. En 1804, 
        une partie d'entre eux deviendront les Indiens. Agricol PERDIGUIER pense 
        que les Compa-gnons du Devoir de Maître Jacques, surnommés 
        Dévoirant, Chiens Dévorants (à un i près), 
        et Loups-Garous, sont nés d'un antagonisme religieux pendant la 
        construction des tours de la cathédrale d'Orléans. Ils sont 
        obligatoirement catholiques, et ils ont pour amis les Compagnons du Soutien 
        du Devoir, Compagnons Passants, Bons Drilles, ou Chien, du père 
        Soubise. Soubise serait venu avec Jacques de Judé, mais il est 
        aussi un moine bénédictin, on le dit encore de Nogent sous 
        Paris. Comme pour Jacques, il y a une confusion d'époque à 
        son sujet. Le nom de Soubise a une consonance moyenâgeuse bien marquée. 
        Jean Pierre BAYARD, dans sa thèse "Les Compagnons de France", 
        édition Payot, suppose que Soubise signifie sous la Bise. Pour 
        éviter les rivalités, les deux confréries se partagèrent 
        Marseille et Bordeaux, après un concours de chefs d'oeuvre.R
 (7) Nom donné aux ingénieurs des Arts et 
        Métiers avant 1900.R
 (8) La maçonnerie opérative avait été 
        pendant plusieurs siècles celle des bâ-tisseurs de cathédrales. 
        Le passage à la maçonnerie spéculative celle des 
        aristocrates et des bourgeois, s'accomplit en 1717 avec la création 
        de la grande loge de Londres. Les traditions maçonniques remontent 
        aux Egyptiens, si elles sont ésotériques, c'est plus pour 
        découvrir quelque chose que pour cacher des secrets. Les rituels 
        initiatiques donnent lieu à un théâtre révélateur 
        de mystères, et dans une moindre mesure interpellant peut-être 
        les dieux comme dans le vaudou. Les maçons travaillent à 
        la construction du Temple de vie de Hiram et de Salomon, seules les colonnes 
        et le sol existent, par prudence, il n'ont pas encore fait le toit! R
 (9) Beaucoup trop d'élèves ont acquis au 
        lycée une aversion du monde tech-nique en découvrant la 
        dure réalité de l'usine, ils utilisent leur diplome comme 
        d'un tremplin pour gagner une situation dans le secteur tertiaire).
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 (10) L'apparition d'un Saint Patron dans le monde laïque 
        ne peut être que fortuite, elle est facilitée par une amnésie 
        générale, entretenue par une église catholique gênée 
        et encombrée de saints et de superstitions qu'elle souhaite oublier.R
 (11) Les Haïtiens dans le vaudou affirment que Hogou 
        Ferraille est l'époux de la divinité de l'amour, Ezili Freda 
        identifiée à la Sainte Vierge. (clef:" Le divin féminin" 
        p.109) Saint Joseph a remplacé Dieu le Père auprès 
        de Marie, il pourrait donc aussi représenter Dieu Mécanicien 
        le jour de sa fête.
 L'honneur de Saint Jacques et Saint Philippe est sauf, ils réssuscitent 
        trois jours plus tard, leur fête est maintenant le 3 mai. 
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