NOTE: 3

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            Hermès est certainement le dieu de l'Olympe offrant le plus de réflexions diverses, d'interprétations et de développements philosophiques pour les mythologues, les hymnologues, les poètes.
            Mario MEUNIER dans "La légende dorée des dieux et des héros", chez Albin MICHEL, explique comment les Grecs imaginaient la présence d'Hermès dans les phénomènes naturels.
            Hermès, chanteur et musicien est le dieu du vent; il chante dans les roseaux et siffle dans les branches, il est le vent musicien. Il souffle dans les voiles des bateaux de ses amis les commerçants. Au moment du trépas, il est le psychopompe qui recueille le souffle de notre âme quand elle s'élève pour la conduire avec sa baguette d'or jusqu'aux juges suprèmes des enfers. Il circule comme un courant d'air; un silence, et les grecs disaient, "un Hermès passe", comme nous disons aujourd'hui un ange est passé !
            D'après Meunier, les nuages sont les boeufs divins d'Apollon que le vent apporte pour déverser la pluie bienfaitrice. Alors que le soleil, Apollon, les reprend pour les retourner dans les prairies célestes.
            Jean Paul VERNANT dans son livre: "Mythe et pensée chez les Grecs", définit la complémentarité du couple, Hermès-Hestia, présent dans les maisons. "Hestia, déesse du foyer, restée vierge, représente le clos, le dedans, le trône. Hermès est le contraire, il est le gardien tourné vers l'extérieur. Sa place est à la porte, protégeant le seuil, repoussant les voleurs, parce qu'il est lui-même un voleur, (Hermès le brigand, le rodeur de portes...)"
"L'Hermès de l'échange prend place là où il y a changement : serrure, porte, mais aussi mariage, voyage, langage."
            Dieu de l'éloquence, il est responsable du langage double, de la langue de bois, du désordre règlé.
            Flammarion explique remarquablement dans son diction-naire des mythologies, comment avec son vol des génisses d'Apollon, Hermès aima servir les humains pour devenir leur ami.
            La stratégie d'Hermès est déterminante dans le changement de statut de ces vaches "humanisés"; "ce troupeau est un bien divin remis en circulation que son propriétaire Apollon ne pourra plus thésauriser et conserver dans son immobilité divine initiale."
            Ces divines vaches ne donnaient pas de lait, elles étaient comme dans une vitrine et ne servaient à aucun mortel. Grâce à Hermès, elles peuvent se reproduire, se multiplier et devenir des bovins de production de viande. Le voleur est donc parfois nécessaire au progrès humain.
            Où le libre échange n'existe pas, où le peuple est frustré des progrès technologiques de la communication pour des raisons de sécurité; le marché noir est moral, parce que les biens de ce monde ne doivent pas appartenir seulement au pouvoir et à son oligarchie.
Plus subtilement il en est de même d'une entreprise mise en faillite. Bien souvent, elle tombe dans les mains des voleurs. Ils dénouent la tragédie en achetant l'affaire un franc symbolique pour que les honnêtes gens s'en débarrassent!
            Les développements en France du scandale de Panama en sont un remarquable exemple. En 1889, la compagnie française du canal de Panama sous la houlette de Ferdinand de Lesseps est dans l'impasse à cause des difficultés du terrain, du choix d'un canal à niveau sans écluses, de la fièvre jaune décimant les ingénieurs et les ouvriers. Le gouvernement français pour sauver les grands investisseurs de notre pays, pris dans cette mauvaise opération, n'a pas hésité à vendre contre de l'or des obligations aux petits épargnants de France. En 1892, après une publicité mensongère où se compromirent Clemenceau et de nombreux parlementaires de gauche, la faillite fut déclarée quand l'opération vente fut terminée, les acheteurs se retrouvèrent ruinés. Ils avaient donné leurs économies en or pour sauver les entrepreneurs et peut-être le franc d'une grave dévaluation.
            Pour gagner, au mieux encore quelque argent, un homme d'affaire français, d'origine italienne, Philippe BUNEAU VARILLA vendit lâchement aux américains la concession du canal, en 1902. L'année suivante, ces derniers créaient l'état du Panama en donnant l'indépendance à cette province de la Colombie, et treize ans plus tard après avoir découvert la quinine, ils terminaient la construction de la voie interocéanique.
            Voilà perdu un peu d'or de France, il donna naissance à une nation, à un drapeau aux mêmes couleurs que notre pays, et à une belle réalisation en Amérique, de là, d'où venait l'or. Panama jusqu'à ce jour a connu une prospérité inégalée et le plus haut PNB du continent jusqu'à hier. Le sentiment anti-américain que l'on veut prêter à ce pays est à nuancer, le petit peuple ne le partage pas. Il est d'un bon sens remarquable, certainement très américanisé par les biens de consommation dont il jouit sans vergogne, mais très indépendant culturellement. Au contraire son folklore a gagné en couleur, ce n'est pas dans ce pays que l'on entendra un air de hard rock à la radio! C'est paradoxale, surtout que quand on sait qu'à Cuba dans les années soixante-dix, il s'écoutait beaucoup de rock russe faute de ne pouvoir écouter du roch américain. Un tel constat donne à réfléchir.
            Pour les Panaméens, les Américains ont une chose de bien : le dollar. Ils le savent et ils aiment le dire. Le petit épargnant péruvien, bolivien, argentin, qui connaît une dévaluation chronique de sa monnaie fait tout pour se procurer des billets verts qu'il se garde bien de mettre à la banque, même s'il ne touche pas d'intérêt en les cachant sous son matelas.
            Le Tiers Monde est en faillite, les investisseurs honnêtes le fuient, ils y perdraient leur âme, tant le commerce est devenu occulte. Qui se risque encore en Afrique ? Des Hindous, de courageux Libanais, des Grecs et quelques Portugais. Et en Amérique du Sud: la bourgeoisie latino-américaine. Elle vit entre les deux continents grâce au pouvoir de l'argent, comme d'autres ont besoin d'un "masque blanc de culture" pour vivre à Paris. Les riches Latino-américains ont une position prospère et agréable aux Etats Unis, ils ont droit à la résidence, bien souvent à la double nationalité. Rien ne les oblige à se rendre dans le Cône Sud, pourtant ils y vont pour développer des activités autres que le trafic de la drogue et ne pas laisser leur pays d'origine dans un total abandon. Certes, ils le font pour du profit, mais aussi parce qu'ils sont attachés à leur latinité, comme d'autres le sont à leur négritude. Ils aiment prendre l'avion, avoir une dimension internationale, passer de nombreux mois dans leur pays maternel en alternance avec Los Angeles, New York, et Miami.
            Dans les grandes capitales latino-américaines où ils se retrouvent, les fêtes et les affaires vont bon train, les opportunités ne manquent. Ils sont bien souvent le relais discret et tout trouvé des affairistes nord-américains qui répugnent à se risquer à vivre dans ces pays de métis.
            Le lendemain, le "quadruple examen" de la situation de tous les compères, des amis, et du peuple, entraîne tout le monde dans une sainte corruption legbanienne bien compréhensible et justifiable.
            Hormis le trafic criminel de la cocaïne, les exigences d'honnêteté, aux relents jansénistes, des Européens, sont détestables et mal venues. Leur sens de la justice, leurs condamnations, où ils se complaisent, se blanchissent, et justifient leur abandon du Tiers Monde, est une preuve de leur incompréhension de la négritude. Atteints d'amnésie envers leurs propres histoires, ils prennent un malsain plaisir à commenter et faire des gorges chaudes des malheurs africains. Ce sont des saint'ni-touches, et des Tartuffes.
            Mieux que de pardonner chrétiennement et d'abandonner à ses péchés le Legba africain, si nous l'auscultions comme dans une cérémonie vaudou pour parfaitement le connaître, le dénoncer, et le contourner, quand nous nous investissons pour la cause de Hogou ?
            La chevauchée dans le Tiers Monde sur le cheval blanc de Saint Jacques est certes aussi périlleuse et aventureuse qu'un Paris-Dakar aveuglé par le terrible vent sahélien de l'Harmattan.
            L'Harmattan existe à cause du désert. Il témoigne des difficultés de la lutte contre la sécheresse. Il est le plus triste des Legba. Il souffle plus le sable des génies de la mort, que des nuages. Il draine plus de poussières polluantes et de bronchites, que de la pluie. Il étend un peu plus le manteau du désert sur les vertes vallées tropicales de la Côte d'Or et d'Ivoire, dans le commerce destructeur de la forêt.
            Sinistre Legba du commerce des armes contre celui des arbres, Belzébuth de l'impérialisme militaire et capitaliste, de la révolution marxiste, du "GOU du fer" réduit en poussière, ce génie souffle de très mauvaise idéologie.
            En 84 à Ouagadougou, le lendemain du décès de Iouri Andropov, Président du Praesidium du Soviet suprême, Sankara et les siens, tinrent une si funeste veillée funèbre, que, le lendemain à huit heures du matin, l'Harmattan souffla tant de sable de satisfaction, que le ciel s'obscurcit jusqu'à faire revenir la nuit, et déposa un centimètre de poussière sur les tables des écoliers. Comme quoi l'harmattan est l'Hermès de la politique de la mort de l'Afrique, et ne peut plus rendre compte, déjà depuis bien long-temps, de l'atmosphère d'une magie bleue du ciel.
            Où sont donc les belles vaches grasses (en)volées par le vent Hermès pour les hommes? L'histoire raconte qu'Apollon nous les a laissées contre l'art de la musique. Ces vaches faméliques, vaguant dans le Sahel et gardée par les Peuls, seraient-elles une partie du troupeau?
            Si on se pique d'Hindouisme, une raison de plus de reverdir le pourtour du désert pour redonner leur rondeur à ces "mami-sphères", et procurer du bonheur au fils d'Hermès: PAN. Il oubliera les champs de rocailles des chèvres pour les vaches de ce petit dieu hindou entouré de ses paons (pan), et d'une si belle végétation.

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