HABILLER LA PINTADE

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             L'offrande la plus courante qui se fait aux Dieux africains est le sacrifice d'une poule, elle doit être : blanche, noire, ou rouge, selon le rite. Etrangement les animistes n'offrent pas de pintade, alors qu'elles sont très répandues à l'état sauvage, ou domestique, en Afrique.
             Au Panama, on l'appelle la poule de Guinée, comme en anglais, et l'on ne veut pas la manger. Elle est tabou, comme si elle était un fétiche de la terre magique de l'Afrique, du Paradis, ou du Diable.
De la même manière, on ne mange pas non plus les soles. Si ce poisson se vend quand même au marché, il n'est pas cher, parce qu'il n'y a personne pour l'acheter, sauf quelques Européens. On raconte que le Christ, après en avoir mangé la moitié, a rejeté à la mer l'autre moitié qui aurait survécu et serait devenue ce poisson blanc sous le ventre avec deux yeux d'un même côté.
             Au Mozambique j'ai vu des sculptures en bois, de pintades luttant avec le serpent, ce dernier pince dans sa bouche une de ces plumes : noire à points blancs.
             La pintade est une lutteuse. En France, elle représente la gent féminine: BCBG, du monde huppé des grandes villes. Elle est inaccessible, distinguée, raffinée. Nous comprenons pourquoi le serpent en pince pour elle. Elle domine le serpent sur son propre terrain, et le serpent l'a obligée à devenir ce qu'elle est, hautaine et snob, il y a une connivence d'esprit et de goût entre les deux.
             Sa conquête est méritante, même si finalement elle vous domine, comme la pintade domine le serpent. Une vie intelligente vous attend, elle a de la classe et le bon goût français. Son père n'est pas toujours un notaire ou un avocat en vue. Il suffit qu'elle ait fait des études secondaires, pour être une "pintade" en devenir, une femme de tête et d'intérieur.
             La tentation de se moquer des "pintades" de notre pays, parce qu'elles marchent avec la mode et pensent toutes à la même chose en même temps, est une erreur. Il y a pire dans le troupeau : les oies, et les bécasses. Il faut les comprendre, les accepter dans leurs exigences, et pour leur complaire : les laisser s'habiller avec chic! Grâce à ele de nombreux commerce marche bien. Avec les hommes, il n'aurait que des commerces de voitures, de machines, et de guerres.
             Il en est de même de la terre d'Afrique, c'est une déesse compliquée, exigeante, comme la vierge noire de Pologne, même si elle est très pauvre. C'est une "Inde", où les présidents africains lui ont construit des palais blancs immenses et vides : Yamoussou-kro, Lama-Kara. Les compagnons, qui sauront habiller de vert la pintade d'Afrique, de leurs points blancs essaimés sur sa robe noire de misère, et la couvrir de toutes les plumes des couleurs de l'arc-en-ciel des races et des cultures pour qu'elle soit belle comme les paons de Krischna seront devenus des princes africains de sang bleu.

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